Punir et surveiller ? ah ben non alors !

Publié le par Shadokskaïa

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Hmmm... après avoir lu l'article du Figaro, où le sublimissime ministre de l'éducation se lança dans la Securitat de l'école, je n'ai rien trouvé de terriblement nouveau dans ses propos. Ce sont toujours les mêmes rengaines, dormez tranquilles, rien ne bougera côté sanction.

Je vais sans doute passer pour la facho de service, mais ce que je lis depuis sur le sujet me fait doucement rigoler. J'aimerais retrouver ce qui se passe dans les établissements, mais non.

 

Non. Je lis des commentaires de gens qui s'effarent, comme ça, de l'idée de punition. Punir, non madame ! C'est pô bien madame, c'est facho ça !

J'aimerais bien savoir ce qui se passe en privé : on ne prive pas de télé, pas de jeu vidéo, on établit un dialogue avec l'enfant, on sait fort bien qu'un enfant aime et comprend les limites, et il aime et comprend son papa et sa maman et il n'a donc plus jamais l'idée de transgresser les règles quand il comprend que cela peine papa et maman et que c'est nocif pour son avenir, sa bêtitude - pardon béatitude - son accès radieux à l'âge adulte et tout et tout. Suffit d'expliquer et d'être patient et d'établir des contrats de confiance, merci Darty, et et et ... de prendre des enfants pour ce qu'ils ne sont pas, et pleurer 16 ans après, parce qu'ils ne font rien qu'à vous répondre ? ( ouh, mauvais esprit, ça n'existe pas, ça n'existe pas - et puis les parents, eux, ils bossent, ils n'ont pas le temps pour toutes ces conneries - ouh ouh, encore plus mauvais esprit ). N'empêche, une curiosité terrible me prend quand j'entends des gens bondir et pontifier a priori dès qu'on parle de sanctions contre des élèves, pile comme si on allait ressortir le knout et les mains à bagues : comment font-ils chez eux ? Tous les jours ? Sans aucune faille ? C'est extra, le nombre de gens parfaits qu'on croise en France.... faillir moi jamais ! devrait être la nouvelle devise de chez nous. 

 

Non, non, on ne doit pas punir et pour ce faire, on parlera d'injure en général et on expliquera doctement quoi faire, mais surtout, en restant loin loin loin du sujet - le jour où je serai agacée, j'inonderai d'injures ces vertueuses petites personnes et je verrai un peu comment elles réagissent.

Cent balles que ça va mal finir - 

Deux cent qu'il y aura appel au modérateur : censure.

La censure, c'est bien, on reste entre soi. 

Plus de gens, plus de problèmes. Chouette règle en vigueur, votez oui à la constitution ou ou ou ? on vous exclut, sales français ! - censure, censure, ce n'est pas violent ça la censure - c'est gentil. C'est doux. C'est heureux. C'est la sanction de l'Empire du Bien.

 


Oui, mais qui sait ce que cela signifie, concrètement, être insulté à l'école ?

Concrètement, en Zep, pour une femme de moins de  60 kg, ce sera d'entendre, avec la régularité d'une pendule, de la part d'élèves connus et souvent inconnus :"pute" "salope" "t'es trop bonne", sur son passage. Ce sera, pour un professeur d'origine étrangère comme on dit de nos jours, une tranche de jambon jetée sur le bureau. ( en passant, cela montre aussi que cette incivilité généralisée n'est pas que "d'origine étrangère" - mais bon, paraît que ce n'est pas vrai ). Pour une prof de LP, une paire "fondamentale" de l'appareil génital masculin posée sur le bureau. Pour un homme assez peu musclé, un saucisson offert et des allusions d'une délicatesse non-pareille.

 

Alors, parler de maîtrise de l'adulte-enseignant, certes, mais souvent on passe de la demande de la maîtrise de soi à l'exigence de la sainteté absolue. Or, ce n'est noté nulle part au départ, je vous le jure, nulle part on ne précise au professeur-aspirant qu'il entre dans les ordres. Même, on lui fait croire que sa mission est très laïque. Oui, mais son comportement sera digne du Seigneur Jésus Christ. 

J'exagère ? Oui, si vous lisez cela en pensant que cela concerne tous les élèves. Non, si vous considérez que le peu d'élèves qui ont ces comportements les ont sans aucune espèce de sanction. Oui, si vous vous référez au primaire. Non, si vous pensez que m'sieur Chatel est aussi ministre des LP, des Zep et tout et tout.

 

Un exemple : cette année, dans le couloir, il a fallu être quatre enseignants pour obliger un élève à museler son expressivité vocale - tout à fait digne d'un ténor de la Scala - et jamais nous n'avons pu savoir qui était cet élève, jamais il n'a accepté de nous donner son nom, parce que nous n'étions pas 'ses' profs et que nous n'étions que des 'bâtards'.

 

C'est un exemple. Rien de grave là-dedans. Un exemple pris dans un wagonnet d'autres exemples similaires. Un exemple d'incivilité ordinaire. C'est cela aussi la réalité des établissements scolaires ( allez, je vous le concède, sûrement pas tous, mais une partie ). Qu'aurait-il fallu faire ? 

 

Rien d'autre que lui demander de se taire? Ce qui fut fait. Rien d'autre que d'oublier les autres, qui planchaient comme des crétins ( puisque, n'est-ce pas, le calme et le silence dont ils pouvaient avoir besoin n'intéressent personne )? Et se dire que ça va recommencer. Dans un autre couloir, parce que c'est fun, parce qu'on est libre, qu'on n'est pas en classe et qu'on fait ce qu'on veut - et que ce soit au détriment des autres n'a pas d'importance.

 

Alors après, c'est rigolo de voir les gens s'effarer des incivilités des jeunes. En  même temps, puisqu'on ne doit pas les sanctionner à l'école, pourquoi faudrait-il les sanctionner à l'extérieur ? Ca n'a pas l'ombre du sens commun. Et je ne sais pas qui, dans ceux qui me feront l'honneur de me lire, s'est senti une âme de père blanc pour aller éduquer les 'jeunes' irrespectueux du métro. Personnellement, je n'ai jamais vu personne se dévouer. J'ai par contre vu bcp baisser les yeux et faire comme s'ils n'étaient pas là - hop, transparents ! Mais l'enseignant ce serait son métier ? - ce n'était pas précisé dans le recrutement...

 

J'exagère ?  

Evidemment, les insultes, cela peut se maîtriser dans le cadre très précis d'une classe.  Ce que personne ne veut entendre, ce sont les lieux, les fréquences, les objets et les violences que tout cela induit >> essayez donc de le vivre, cela, ( votre désagréable heure de métro) , toute une semaine, sans broncher, en restant calme, en "éduquant" tout en essayant quand même d'apprendre un truc que vous savez, et pour lequel vous pensiez avoir été recruté. Extrapolez à un mois. Puis à une année scolaire. Le prozac, c'est pas mal. L'indifférence aussi. 

 

Que proposez-vous pour que les enseignants ne tombent pas dans ces travers ? Pour eux, si bien abandonnés, si bien critiqués ( mais ce n'est pas de leur faute, nous avons bien compris - ils sont con-cons, les profs, ils n'ont jamais quitté l'école ), pour ceux qui sont bordélisés ? Une 'tite leçon de morale ? Une 'tite reprise en main sur leur grande responsabilité ?

 

Mais nous n'y croyons plus, nous, à notre 'grande responsabilité', ce n'est pas cohérent, ce n'est pas possible. N'oublions pas que, dans nos sociétés jolies, ceux qui ont des paies extravagantes, des parapluies en or, des trucs et des machins ne les ont Que parce qu'ils ont de 'grandes responsabilités'. Les enseignants n'étant point à cette enseigne n'ont donc point de grande responsabilité, c'est logique. Ou alors il y a quelque chose de pourri au Royaume de Danemark. Je m'en voudrais de le croire.

 

Ils ont été culpabilisés à loisir, voyez-vous, les enseignants de vos enfants : vous comprenez, seul compte l'intérêt de l'enfant ( contre l'intérêt des autres enfants, je me permets de le rappeler, en toute perfidie, je sais. )

 

Je crois qu'un métier où on demande à des gens des attitudes humaines extra-ordinaires au quotidien est un métier qui ne tourne plus rond.  

 

Quant aux insultes entre élèves... là il semble que la doxa veuille qu'on ne fasse rien - une petite remontrance et ce sera bien. On est dans la zone taboue, celle dont il ne faut pas parler, celle où tout va très bien, médème la marquise - celle qui conduit à préférer l'éducation de l'un à l'enseignement des autres. C'est un choix de société, en somme. 

 

Alors, en lisant articles et contributions sur le sujet, je me demandais : que faire, en vrai ? Dans la vraie vie ? Avec un nombre certain d'élèves qui refusent l'institution et l'insultent ? Que dire à la jeune femme professeur d'art plastique, vous vous souvenez, poignardée pour une histoire de casquette ? Que c'est de sa faute ? - ce qu'elle entendit à plaisir, merci pour elle.

 Qu'il faut être pédagogue ? Elle est bonne !

 

Je peux rassurer, tout de même : M. Chatel est contre les exclusions de cours, et il le prouve en prenant bien les enseignants pour des cons, qui ne savent pas ce qu'il advient de l'élève exclu - qui est juste sous la responsabilité de l'enseignant, mais fi des détails de l'histoire.

Il demande donc, comme tous les autres qui n'ont pas d'élèves et surtout pas de classe, de sanctionner 34 élèves qui devront attendre la fin de la crise de X, pour éduquer ce-dit X, non pas lui apprendre un savoir, mais un savoir-vivre. Et les autres apprennent que ... on les prend pour quantité négligeable. Merci pour eux.

 

Alors zut. Zut et zut. L'éducation nationale ne donne pas encore de cours particuliers. Elle donne des cours à des classes - trop chargées souvent. Or le travail à faire pour que disparaisse la perception de l'enseignant ( ou du flic ) comme l'ennemi dépasse largement le cadre de l'école.  Et je ne crois pas que c'est en donnant, tous les jours, aux élèves, la certitude qu'ils sont des quantités négligeables, qu'ils ont devoir de se lever cinq jours par semaine pour assister aux crises quotidiennes de tel tel et tel avant de pouvoir apprendre quelque chose, qu'on parviendra à redorer le lustre de cette belle institution.

Le jour où on m'expliquera pourquoi on ré-inscrit, en BTS, des élèves qui ont saccagé leur salle de repos et semé la zizanie dans les couloirs et tous les cours où ils pouvaient le faire, alors qu'ils ont le bac et leur majorité depuis longtemps, alors on pourra aussi m'expliquer pourquoi le soleil tourne autour de la terre.

En attendant l'explication, je pas comprendre.

Et ces BTS sont l'exemple ultime.

 

J'attends aussi qu'on explique à l'élève Z, qui s'est fait casser le nez à la sortie 'pa'ce que c'est un branleur de bourge' et 'qu'il fait chier avec ses notes', pourquoi ceux qui lui ont cassé le nez sont toujours là sans aucune sanction. Mis à part une machine à creuser des rancoeurs et à amener aux vengeances personnelles, hors de tout contrôle 'objectif' ( c'est bien cela le rôle de la Justice, non ? ) , je ne vois pas ce que c'est ?  

Il doit y avoir des sanctions données par l'institution. Sans quoi elles sont données, mais hors d'elle. Et si on apprend, tout jeune, que la vengeance personnelle est le seul moyen pour se rendre justice, alors on apprend tout jeune à se désocialiser. Je ne vois pas l'intérêt de ce résultat.

 

Quant au fait que tout sera sanctionné, pardon, mais ce sont encore les enseignants, les surveillants et les CPE qui actionnent les leviers et qui jugent de la gravité du cas - qui sera ou pas, relevé puis sanctionné.

 

En attendant, dans de nombreux cas, effectivement, l'enseignant se débrouille tout seul face à ses 30 à 35 plus ou moins jeunes élèves, et sait très bien, lui, que son autorité ne s'imposera que s'il parvient à juger rapidement et justement un "cas" - aussi, il évitera la montée aux cocotiers des sanctions disproportionnées ( contrairement aux abrutis qui confondent autorité et autoritarisme et envoient la police déguisée en soldats de l'Empire face à des adolescents ) : parce que cela crée un sentiment d'injustice et instaure un rapport de force - à l'heure actuelle, dans de nombreux établissements, l'enseignant perd quand il joue à cela : d'abord ses classes, et ça tourne au Bronx; ensuite, souvent, un peu de peinture de voiture; parfois un pneu; et parfois aussi son intégrité physique.  

 

Donc non, je ne vois pas où est le problème dans l'intervention du ministre, qui ne dit pas grand'chose, et surtout rien de grave, qui parle de réunir des tables rondes dans les établissements et tout un bazar d'usines à gaz qui ne changeront strictement rien à rien.

 

Je vois problème, quand même, quand je constate de telles levées de boucliers dès qu'on parle de sanctionner un élève.

Mais je sens que je vais assumer mon côté 'facho', et je rassure tout de suite ceux qui pensent que je suis encore professeur : moi aussi, j'ai jeté l'éponge et laisse à d'autres le soin de s'amuser à entendre des insultes en toute zénitude, tout en continuant à faire cours, of course, médème, on est des professionnels.

 

Pardon pour cette contribution un peu longue, pas tout à fait structurée, écrite d'un trait sous le coup d'un léger agacement, je l'avoue. Mais j'ai eu l'impression qu'on me parlait d'un monde qui n'existait pas. Aussi me suis-je permis d'ouvrir une fenêtre sur un monde qui existe tout à fait, très bête et factuel ( même si pas partout, oui je sais je sais ). 

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